Dans cette interview, Pierre Sabatier, Président et fondateur du cabinet d’analyse économique et financière Primeview et également président de l’AUREP., analyse les signaux contradictoires envoyés par les marchés financiers au début de 2025. Alors que les taux longs américains se tendent malgré la baisse des taux directeurs, deux scénarios s’affrontent : celui d’une inflation persistante soutenu par le marché, et celui d’un reflux inflationniste et d’une baisse des taux directeurs de la FED défendu par Pierre Sabatier.
Depuis la première baisse des taux directeurs par la Réserve fédérale en septembre 2024, les marchés affichent un comportement inattendu. Contrairement aux cycles passés, où les taux longs baissaient en suivant les décisions de la Fed, le 10 ans américain s’est cette fois-ci fortement tendu.
Pierre Sabatier identifie deux hypothèses pour expliquer ce phénomène :
Les craintes d’un retour de l’inflation : L’élection de Donald Trump a ravivé les craintes d’une hausse durable des prix, notamment via l’instauration de droits de douane sur les importations.
Des tensions sur le marché de l’emploi : La politique migratoire restrictive de Trump pourrait réduire la disponibilité de main-d’œuvre bon marché, entraînant une augmentation des salaires et une possible spirale prix-salaires.
Ces craintes ont poussé les marchés à anticiper la fin de la baisse des taux directeurs de la FED, voire un éventuel resserrement monétaire.
Pierre Sabatier défend une vision différente, estimant que ces craintes sont exagérées.
Droits de douane : Leur impact serait comparable à une hausse de TVA, créant une augmentation ponctuelle des prix sans générer de surchauffe économique.
Marché de l’emploi : Bien que les flux migratoires soient réduits du fait de la politiques de Donald Trump, le marché du travail montre des signes de stabilisation, notamment dans le secteur de l’intérim, ce qui limite les tensions sur les salaires.
Selon lui, les facteurs structurels, comme la démographie ou le ralentissement économique mondial, jouent en faveur d’un reflux progressif de l’inflation. La Réserve fédérale devrait donc poursuivre une politique de détente graduelle, accompagnant une économie américaine en ralentissement, mais sans risque de récession brutale.
Cette vision s’appuie également sur un autre élément central : le poids croissant de la dette publique américaine. Avec un déficit atteignant 6,5 à 7 % du PIB, et environ 20 % des recettes fiscales absorbées par le service de la dette, la situation est historiquement insoutenable.
Dans ce contexte, Pierre Sabatier estime que la Réserve fédérale devra maintenir une politique accommodante, non seulement pour accompagner l’économie, mais aussi pour alléger la pression budgétaire sur les finances publiques. Ce facteur renforce son scénario de détente monétaire, favorable aux obligations à long terme et à une reprise progressive des marchés actions.
Pierre Sabatier distingue deux scénarios clés pour 2025, chacun impliquant une stratégie d’investissement différente :
Scénario soutenu par les marchés : l’inflation persiste
Dans ce cas, les taux directeurs resteraient élevés, et les taux longs continueraient de refluer lentement. Les implications pour les investisseurs :
Monétaire et dollar : Privilégier les taux courts et investir en dollar, qui resterait fort face aux autres devises.
Prudence sur les actions : Les modèles de valorisation des entreprises souffriraient de niveaux de taux élevés, ce qui limiterait leur attractivité à court terme.
Scénario de Pierre Sabatier : l’inflation reflue
Dans le cadre de son scénario, Pierre Sabatier estime que les taux longs américains, actuellement autour de 4,7 %, offrent une opportunité intéressante.
Durations longues : Les obligations à long terme deviendraient particulièrement attractives, avec un potentiel de plus-value en cas de baisse des taux.
Actions : Les marchés actions bénéficieraient de conditions financières plus favorables. Une approche progressive est conseillée, avec un renforcement des positions au second semestre 2025.
Immobilier : Le reflux des taux d’intérêt pourrait relancer l’attractivité de cette classe d’actifs, particulièrement sensible aux mouvements de taux.
Les choix d’allocation dépendront du scénario qui se concrétise :
Inflation persistante : Miser sur le dollar, les taux courts et rester prudent sur les actions.
Reflux de l’inflation : Investir sur des obligations longues, renforcer progressivement les positions en actions, et considérer l’immobilier comme une opportunité.