Continuer à tout miser sur la bourse américaines ou réallouer une partie de leurs actifs vers l’Europe ? Cette question divise les observateurs et experts des marchés, et c’est justement le thème abordé dans cet entretien avec Stéphane Déo, gérant senior chez Eleva Capital. Alors que la croissance américaine impressionne et que la confiance des entreprises est au plus haut, les valorisations y sont élevées, rendant le marché plus vulnérable aux corrections brutales. En face, l’Europe semble sous-valorisée et les mauvaises nouvelles déjà intégrées. Faut-il dès lors rééquilibrer son portefeuille en faveur des actions européennes ?
Le premier constat posé par Stéphane Déo est l’écart croissant entre les perspectives économiques des États-Unis et celles de l’Europe. Alors que les prévisions de croissance pour les États-Unis ont été révisées à la hausse pour atteindre 2,5% en 2024, celles de l’Europe ont été revues à la baisse, passant sous 1% et pouvant même tomber à 0,5%. Un effet ciseau se dessine, renforçant l’attrait de l’Amérique, mais les marchés financiers racontent une autre histoire.
Si la croissance économique est plus dynamique outre-Atlantique, les valorisations boursières y sont très élevées. Les actions américaines affichent un ratio cours/bénéfices (PE) moyen de 24, contre 14-15 pour l’Europe. Cet écart est historiquement haut, bien au-delà des standards habituels. Autrement dit, les investisseurs paient très cher les profits futurs aux États-Unis, augmentant le risque en cas de correction du marché.
Les secteurs technologiques américains, notamment les valeurs de l’intelligence artificielle, en sont un parfait exemple. La moindre déception sur les résultats provoque des corrections brutales. En comparaison, l’Europe, bien que moins dynamique, présente une valorisation bien plus attractive.
Les marchés européens souffrent d’un excès de pessimisme. L’économie y est moins dynamique, mais les indicateurs macroéconomiques ne sont pas catastrophiques. Le taux d’épargne des ménages européens atteint des niveaux records, ce qui constitue un matelas de sécurité et laisse entrevoir un potentiel de consommation stable voire en hausse.
De plus, la politique monétaire de la BCE devient plus accommodante, avec plusieurs baisses de taux attendues en 2025, ce qui devrait soutenir l’activité et les marchés actions. En outre, Stéphane Déo affirme que le retour sur investissement est meilleur en Europe.
L’analyse sectorielle montre que plusieurs secteurs européens sont sous-évalués par rapport à leurs homologues américains. Parmi les opportunités identifiées par Stéphane Déo :
– La finance : secteur bancaire
Les banques européennes sont bien capitalisées et offrent de forts rendements aux actionnaires via des rachats d’actions et des dividendes attractifs.
– Le luxe : ce secteur très exposé à la Chine a souffert ces derniers mois, mais certaines valeurs, comme Richemont, montrent des signes de rebond.
– La pharmacie : les nouvelles innovations, notamment dans le traitement de l’obésité, créent des opportunités de croissance durable.. Des titres comme Novo Nordisk peuvent être regarder par les investisseurs.
Dans ce contexte, Stéphane Déo préconise une stratégie de stock picking. L’analyse des valorisations sectorielles montre que la décote de l’Europe est extrême dans plusieurs segments, mais toutes les entreprises ne sont pas à acheter. Il faut sélectionner les valeurs offrant un bon potentiel de rattrapage.
Les small caps européennes ont sous-performé depuis plusieurs années. Cependant, avec la baisse des taux annoncée par la BCE, elles pourraient bénéficier d’un effet de levier positif. Leur financement repose souvent sur des taux variables, ce qui signifie que la détente monétaire va directement améliorer leur rentabilité.