Immobilier : la crise est-elle vraiment terminée ?

Guy Marty, fondateur de PierrePapier.fr et expert reconnu du secteur de l’immobilier, analyse l’état actuel du marché immobilier français. Entre crise des transactions, rareté des logements, taux d’intérêt plus élevés et pression inflationniste, il livre sa vision des défis et opportunités pour les investisseurs sur les marchés immobiliers.

L’immobilier en crise : un état des lieux préoccupant

Le marché immobilier français traverse une période de turbulences relativement appuyée Les prix de l’immobilier ancien ont reculé de 5,2 % sur un an au premier trimestre 2024, suivis d’une baisse estimée à 4,9 % au deuxième trimestre. Mais au-delà de ces chiffres, c’est l’effondrement des transactions qui illustre la profondeur de la crise : celles-ci ont chuté de 1,2 million au troisième trimestre 2021 à moins de 800 000 aujourd’hui, soit une diminution de plus de 33 %.
Pourtant, certains observateurs espèrent que la baisse des taux d’intérêt amorcée par la Banque Centrale Européenne (BCE) viendra relancer le secteur. Guy Marty invite à tempérer cet optimisme. Il souligne que cette baisse est modeste par rapport à la hausse massive qui a précédé, et que les taux d’intérêt pourraient rester élevés sur le long terme, dans un contexte économique mondial plus instable.

Comprendre les cycles immobiliers

L’analyse de Guy Marty s’appuie sur une perspective historique. Les cycles immobiliers, rappelle-t-il, sont souvent longs et étroitement liés aux grands équilibres économiques. Depuis des siècles, les périodes d’inflation et de taux d’intérêt élevés alternent avec des phases de stabilité. La période 1985-2022, marquée par la mondialisation, a offert des taux bas et une inflation faible. Mais depuis 2022, un environnement plus chahuté s’installe, caractérisé par une inflation structurelle et des taux durablement élevés.
L’histoire montre toutefois que des taux d’intérêt élevés ne condamnent pas nécessairement le marché immobilier. Les Trente Glorieuses ou encore le début des années 2000 en sont la preuve, avec des marchés dynamiques malgré des taux bien plus élevés qu’aujourd’hui. Ce qui compte réellement, selon Guy Marty, c’est la dynamique des transactions, véritable baromètre de la santé immobilière.

Deux crises imbriquées et antagonistes

A cet effet, Guy Marty observe deux phénomènes qui se télescopent. D’un côté, l’effondrement des transactions exerce une pression à la baisse sur les prix. De l’autre, la rareté structurelle des logements, notamment dans les zones tendues, agit comme un facteur stabilisateur. Cette rareté découle d’une offre insuffisante, due en grande partie à un manque de politique cohérente en matière de logement en France.
Depuis les années 2000, les contraintes administratives et l’absence de vision à long terme ont freiné le développement de l’offre. Les permis de construire, souvent délivrés au niveau local, sont un exemple de cette fragmentation décisionnelle. Ce phénomène, déjà visible en Angleterre, menace désormais de s’aggraver en France, où les élus locaux hésitent à densifier leur territoire par crainte de mécontenter leurs administrés ou de ne pas disposer des infrastructures nécessaires.

Investir dans un marché en mutation

Malgré les incertitudes, Guy Marty insiste sur le fait que l’immobilier reste une classe d’actifs attractive, à condition d’adopter une stratégie réfléchie. Il recommande une vigilance particulière quant à la dynamique des villes où investir. Certaines zones, comme les bassins d’emploi ou les villes universitaires, continuent de bénéficier d’une demande soutenue, tandis que d’autres connaissent un déclin démographique ou économique.
L’immobilier locatif, s’il est bien pensé, reste une option pertinente, mais il est crucial de s’assurer de la sécurité des loyers. Par ailleurs, les fonds immobiliers comme les SCPI offrent une diversification et une gestion professionnelle qui peuvent convenir aux investisseurs cherchant à limiter les risques.
Pour ceux qui envisagent d’acheter leur résidence principale, Guy Marty rappelle qu’il s’agit d’une épargne « obligatoire « forcée », une bonne stratégie pour construire un patrimoine à long terme.

Immobilier : un retournement inéluctable ?

Pour autant, il faut garder à l’esprit que l’immobilier, en tant que valeur d’actif, subit les mêmes pressions que d’autres classes d’actifs. Après des décennies de hausse, portées par une abondance de liquidités, un retournement de cycle semble inévitable. Cependant, la rareté structurelle des logements, notamment dans les zones tendues, continue de stabiliser les prix.
Cette situation pourrait conduire à un gel prolongé des transactions, avec des conséquences sociales et économiques importantes. Guy Marty insiste sur la nécessité d’une politique ambitieuse pour relancer l’offre et répondre aux défis démographiques. Il évoque notamment l’allongement des durées de crédit ou une baisse modérée des prix comme leviers possibles pour redonner du pouvoir d’achat aux ménages.

Un marché complexe, mais porteur d’opportunités

Guy Marty rappelle que l’immobilier reste une classe d’actifs résiliente sur le long terme, mais que les investisseurs doivent naviguer avec prudence dans ce contexte marqué par des cycles longs et des forces antagonistes. Pour réussir, il est indispensable d’analyser avec soin les dynamiques locales et de diversifier ses investissements.

Pour approfondir cette analyse, découvrez l’intégralité de l’entretien avec Guy Marty.

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