Entre effondrement des volumes de transactions, flambée des taux d’intérêt et persistance de l’inflation, le marché immobilier traverse une crise profonde. Si certains acteurs évoquent une stabilisation imminente, la réalité semble bien plus nuancée. Que révèlent réellement ces signaux d’apparente accalmie ? Christian Auzanneau, analyste financier chez Alphavalue, décrypte les véritables enjeux et les défis qui attendent particuliers et investisseurs face à une crise immobilière aux multiples facettes.
Pour bien comprendre ce qui se trame sur le marché de l’immobilier, il est nécessaire de revenir en arrière. En 2023, les transactions dans l’ancien ont reculé de près de 30 %. Un chiffre impressionnant qui illustre une contraction brutale du marché. Alors qu’il s’effectuait 1,2 million de ventes annuelles au pic du marché, ce volume pourrait chuter à 800 000 en 2024. Cette baisse s’accompagne d’un phénomène marquant : une hausse des ventes contraintes, c’est-à-dire des transactions motivées par des événements de vie comme les divorces, les décès ou les mutations. Ces ventes, souvent réalisées dans l’urgence, exercent une pression à la baisse sur les prix.
Si les prix immobiliers semblent n’avoir reculé que légèrement (-3,1 % en 2023 selon certaines études), cette lecture est trompeuse. En réalité, une fois corrigés de l’inflation, les prix réels ont déjà chuté de 25 % dans certaines grandes agglomérations comme Paris. Cette correction, bien que significative, reste méconnue de nombreux propriétaires, qui se focalisent sur des valeurs nominales stables. Christian Auzanneau rappelle qu’une telle baisse nette n’avait pas été observée depuis la crise des années 1990.
La durée des emprunts immobiliers atteint aujourd’hui des niveaux records, avec une moyenne de 22 ans. Pourtant, cette extension de la durée d’emprunt ne suffit plus à compenser l’impact des taux d’intérêt élevés, qui grèvent fortement la solvabilité des ménages. « La capacité d’achat des particuliers s’est considérablement réduite », explique Christian Auzanneau. Et si la Banque Centrale Européenne (BCE) prévoit une baisse des taux directeurs, les effets sur les taux longs, qui déterminent les conditions des prêts immobiliers, restent incertains.
Le marché de l’immobilier neuf n’est pas épargné par la crise. Les coûts de construction, dopés par l’inflation des matériaux et de la main-d’œuvre, limitent la marge de manœuvre des promoteurs. Résultat : malgré des promotions occasionnelles, les baisses de prix restent modestes et insuffisantes pour relancer véritablement la demande. Cette situation complique encore davantage l’accès à la propriété des primo-accédants.
Contrairement aux discours optimistes de certains professionnels, Christian Auzanneau anticipe une crise immobilière plus longue. « Historiquement, une crise immobilière dure plusieurs années, rarement 12 ou 18 mois », souligne-t-il. Les volumes de transactions stagnent, les prix corrigés de l’inflation continuent de baisser, et les tensions sur les taux longs pourraient se maintenir en raison de facteurs exogènes, comme la politique monétaire au Japon ou la demande accrue de dette souveraine à l’échelle mondiale.
Dans ce contexte, deux stratégies se dégagent pour les particuliers. Pour ceux qui souhaitent acheter leur résidence principale, le conseil reste clair : acheter le plus tôt possible, même en ajustant ses ambitions en termes de surface. Pour les investisseurs locatifs, en revanche, la prudence est de mise. Les rendements locatifs restent faibles, et la rentabilité d’un achat repose sur la capacité à négocier des prix d’acquisition plus attractifs.
Pour anticiper une reprise du marché, Christian Auzanneau recommande de surveiller deux indicateurs clés : le retour des volumes de transactions et la perception des acheteurs solvables. « Quand les volumes repartiront à la hausse, cela signifiera que le marché a trouvé son point d’équilibre », conclut-il.