Jacques Lemoisson, fondateur et chef des investissements de Gate Capital Management, partage son analyse des stratégies d’allocation d’actifs face aux politiques protectionnistes et aux ambitions économiques de Donald Trump. Doit-on tout miser sur les actions américaines ou diversifier ses investissements ?
L’élection de Donald Trump a relancé les débats sur l’orientation des investissements internationaux. Selon Jacques Lemoisson, les partisans d’un « all-in » sur les actifs américains pourraient sous-estimer les risques d’une telle stratégie. Certes, les États-Unis bénéficient d’une dynamique économique solide, mais les défis opérationnels, comme le retard des projets industriels de TSMC (le groupe taïwanais souhaite implanter une partie de sa production aux Etats-Unis), mettent en lumière les limites du modèle de relocalisation industrielle.
L’impact inflationniste des droits de douane punitifs envisagés par l’administration Trump constitue un potentiel sujet de préoccupation. Si ces mesures visent à l’évidence à soutenir l’économie nationale, elles risquent de faire bondir l’inflation et de nuire au pouvoir d’achat des Américains, un enjeu central pour la base électorale de Donald Trump.
D’après Jacques Lemoisson, trois éléments limiteraient l’application stricte des politiques protectionnistes de Trump : 1) La sensibilité aux marchés financiers (Trump, attaché à la performance de la bourse américaine, pourrait chercher à éviter les mesures pouvant entraîner une chute des indices boursiers.) ; 2) Les intérêts chinois de l’entourage de Trump : des acteurs comme Elon Musk, dont les intérêts dépendent du commerce mondial, et des bonnes relations sino-américaines (Tesla est le plus gros client de CATL) pourraient inciter à la modération de ces politiques. 3) La protection du patrimoine des Américains : Avec un marché immobilier en plein essor et des actifs financiers au plus haut, Trump veillera à préserver l’effet richesse et, partant, la prospérité économique des Américains.
Ces garde-fous, bien que contraints, inciteraient à une politique protectionniste plus modérée que prévue, avec des annonces spectaculaires, mais des impacts réels limités.
Lemoisson insiste sur l’importance de la diversification géographique des investissements dans le contexte présent. La dépendance mutuelle entre les grandes puissances économiques, notamment les États-Unis et la Chine, rend la mondialisation toujours d’actualité, même si elle ne progresse plus. Ainsi, privilégier des actifs chinois, soutenus par des mesures fiscales agressives, ou des actions européennes pourrait constituer une stratégie équilibrée.
Des événements majeurs, comme une résolution de la guerre en Ukraine à l’initiative de Donald Trump qui n’a pas fait mystère de ses intentions, pourraient redonner de l’intérêt aux actifs européens. Ces derniers, bien que marginalisés, pourraient attirer les investisseurs en quête d’opportunités dans un marché boursier du Vieux Continent aujourd’hui totalement snobé et délaissé.
Pour évaluer la viabilité des politiques de la nouvelle administration américaine, Jacques Lemoisson recommande de surveiller deux indicateurs clés : 1) Les taux longs américains : une hausse des taux à 10 ans au-delà de 5 % pourrait signaler une perte de confiance des investisseurs et une correction des marchés. 2) La trajectoire du dollar : un dollar trop fort pourrait nuire aux économies émergentes et peser sur le commerce mondial, accentuant les tensions économiques.
Jacques Lemoisson conclut que, malgré l’attractivité des marchés américains, miser exclusivement sur les États-Unis serait une erreur stratégique. La diversification internationale, notamment vers l’Europe et la Chine, offre des opportunités intéressantes pour atténuer les risques liés à une surconcentration géographique.